1. Introduction
Le 18ème Rapport Mensuel de l’Observatoire du football CIES analyse les politiques de recrutement des clubs des cinq grandes ligues européennes. L’étude se base sur les joueurs présents dans les effectifs au mois d’octobre 2016 alignés en championnat lors de la saison en cours ou ayant joué dans des championnats adultes lors de chacune des deux saisons précédentes.
Le Rapport montre que les équipes les plus compétitives suivent une stratégie de transfert axée sur la qualité. Elles se focalisent sur le transfert payant de jeunes joueurs à fort potentiel et conservent sur le long terme les plus performants d’entre eux. Les équipes les plus riches ont aussi un recrutement plus international que les équipes disposant de moins de moyens.
2. Sources d’approvisionnement
Pour composer leur effectif, les clubs intègrent des joueurs depuis leur centre de formation (recrutement interne) ou en engagent depuis d’autres clubs (recrutement externe). Dans le deuxième cas de figure, trois modalités de recrutement sont possibles : temporaire (prêt), définitif payant ou définitif gratuit. À l’échelle du big-5, le type de transfert le plus courant est le recrutement définitif payant.
D’importantes différences dans les modalités de recrutement des joueurs existent en fonction des ligues. Si le transfert définitif payant est le plus courant dans l’ensemble des championnats analysés, le pourcentage de ce type de recrutement varie entre 71,2% pour la Premier League anglaise et 35,6% pour la Liga espagnole.
Les écarts au niveau des autres modalités de recrutement sont aussi considérables. Ainsi, environ 23,8% des joueurs des équipes de Ligue 1 sont issus du centre de formation, contre seulement 8,5% en Angleterre. Seuls 3,7% des joueurs de Premier League sont en prêt, contre 14,1% des footballeurs de la Liga espagnole. Le pourcentage de transferts gratuits définitifs varie entre 16,6% en Angleterre et 31,8% en France.
Les écarts dans les modalités de recrutement sont aussi très nets en prenant en compte le niveau des équipes. Quatre catégories de niveau ont été établies sur la base des sommes dépensées par les clubs pour composer l’effectif de la saison 2016/17 : moins de 25 millions €, entre 25 et 50 millions €, entre 50 et 200 millions € et plus de 200 millions €.
Si les différences en ce qui concerne les recrutements internes sont minimes, les écarts dans le recours au prêt sont bien plus marqués : entre 2,0% pour les clubs les plus dépensiers et 13,3% pour les équipes disposant de moins de moyens. De même, le pourcentage de transferts définitifs gratuits varie entre 7,7% pour les premiers et 42,8% pour les seconds. La part des transferts définitifs payants évolue par contre dans le sens opposé : 74,5% au niveau des clubs les plus riches et 28,6% pour les équipes moins aisées.
À l’échelle des clubs, les valeurs record par modalité de recrutement ont été mesurées pour Real Sociedad au niveau des joueurs issus du centre de formation (53,8%), Granada (46,7%) pour les prêts, Dijon (70,4%) pour les transferts définitifs gratuits et Real Madrid (88,5%) pour les transferts définitifs payants. La répartition par type de recrutement pour l’ensemble des clubs du big-5 est disponible en annexe.
3. Temporalité d’arrivée
La temporalité d’arrivée dans le club fait référence au semestre lors duquel les membres de l’effectif ont été recrutés. Les joueurs issus du centre de formation ne sont pas inclus dans l’analyse. En moyenne, les footballeurs présents dans le big-5 en octobre 2016 ont été recrutés par leur club d’emploi 1,9 ans auparavant.
Les analyses par ligue et par niveau des clubs font de nouveau apparaître d’importantes différences. Les joueurs des clubs anglais ont été recrutés depuis plus longtemps que les footballeurs des équipes des autres championnats : 2,3 ans en moyenne au 1er octobre 2016.
Ce résultat est lié à la force économique des clubs anglais. Les équipes de Premier League peuvent en effet se permettre de focaliser leur recrutement sur les joueurs les plus en vue, d’offrir aux nouvelles recrues des contrats de longue durée, de se séparer sans trop d’états d’âme des footballeurs qui ne prêtent pas satisfaction et, inversement, de conserver durablement les éléments les plus performants.
Le constat ci-dessus est valable aussi pour les clubs les plus riches par rapport aux équipes disposant de moins de moyens. Par conséquent, les premiers disposent en règle générale d’un effectif bien plus stable que les seconds. Cette situation leur confère un avantage compétitif qui se traduit le plus souvent favorablement au niveau des résultats.
De nombreuses équipes très riches et performantes sont aux premiers rangs du classement des équipes dont les joueurs non issus du centre de formation sont présents depuis le plus longtemps dans l’effectif. À l’opposé, à l’exception de Lyon, les clubs dont les recrues sont arrivées le plus récemment sont plutôt de niveau moyen ou faible.
4. Âge de recrutement
L’analyse de l’âge des joueurs au moment de leur recrutement de la part du club représenté en octobre 2016 permet aussi de mettre en exergue d’importantes différences dans les politiques de transfert. Les joueurs issus du centre de formation ne sont pas inclus dans l’analyse. Pour les footballeurs de retour de prêt, nous avons pris en compte l’âge au moment de leur premier recrutement par l’équipe d’emploi.
À l’échelle du big-5, la moyenne d’âge des joueurs lors de l’engagement est de 25,1 ans. Les équipes de Bundesliga sont celles dont le recrutement est le plus axé sur des jeunes joueurs : 24,4 ans en moyenne. A l’opposé, les clubs italiens préfèrent engager des joueurs plus expérimenté (25,4 ans).
L’analyse par niveau des clubs illustre la tendance des équipes investissant le plus de moyens sur le marché des transferts à recruter des plus jeunes joueurs par rapport aux autres. De par leur capacité financière, les meilleurs clubs axent leur politique de transfert sur des joueurs à fort potentiel. Par choix ou nécessité, les équipes moins performantes misent par contre davantage sur des joueurs plus âgés.
L’âge moyen de recrutement à l’échelle des équipes du big-5 varie entre 22,5 ans pour Real Madrid et 28,5 ans à Cagliari. Le niveau moyen des clubs se focalisant le plus sur le recrutement de jeunes est bien plus élevé que celui des équipes dont la politique de transfert se base sur des joueurs plus expérimentés.
5. Niveau avant le transfert
Le capital expérience est un indicateur composite développé par l’Observatoire du football CIES pour prendre en compte de manière conjointe le taux d’emploi des joueurs et le niveau des clubs représentés*. Nous considérons ici le capital expérience accumulé par les joueurs lors des douze mois ayant précédé le transfert vers le club d’emploi de octobre 2016. Les footballeurs issus du centre de formation n’ont pas été inclus dans l’analyse.
[* Voir le Rapport mensuel de l’Observatoire du football CIES N°14]
Le capital expérience moyen des recrues lors de l’année précédant le transfert est de 16,1. La valeur la plus élevée a été mesurée pour la Premier League. Ce résultat renvoie de nouveau aux possibilités financières des clubs anglais. Dans cette optique, il n’est pas surprenant de constater que la plus faible valeur a été enregistrée pour la Ligue 1 française.
Les écarts selon le niveau des clubs sont encore plus marqués. Le capital expérience des recrues des équipes les plus riches est plus de deux fois supérieur à celui des clubs moins aisés. La différence entre les équipes ayant investi plus de 200 millions € pour réunir leur effectif actuel et les clubs ayant déboursé entre 50 et 200 millions € est aussi très marquée : + 52%. Loin de constituer une fatalité, la domination des grands clubs reflète cet écart.
La plus haute valeur de capital expérience lors de l’année précédant le transfert a été enregistrée pour les recrues de Manchester City : 33,3. À l’exception de Dortmund, tous les clubs qui se sont qualifiés au moins une fois pour la finale de Ligue des Champions depuis 2010/11 sont présents aux 10 premières places : Barcelone, Manchester United, Bayern Munich, Chelsea, Real Madrid et Juventus.
6. Géographie du recrutement
Les freins juridiques au recrutement international de footballeurs ont été progressivement enlevés à partir des années 1990. Bien que des quotas subsistent, ils sont beaucoup moins restrictifs que par le passé. Au total, 41,2% des joueurs présents dans le big-5 en octobre 2016 ont été recrutés par leurs équipes actuelles depuis l’étranger.
Les clubs de Premier League sont ceux dont le recrutement est le plus international : 46,8%. Si le taux de joueurs étrangers est presqu’aussi élevé en Italie qu’en Angleterre, le pourcentage de recrutements internationaux dans la Péninsule est de 10% inférieur. Cet écart s’explique par une plus forte mobilité interne des joueurs étrangers en Italie.
Les clubs investissant le plus sur le marché des transferts ont un recrutement bien plus international que les autres. Plus de la moitié des joueurs des meilleures équipes sont recrutés depuis l’étranger (55%). Ce pourcentage n’est que de 28% pour les clubs ayant dépensé moins de 25 millions € en indemnités de transfert pour composer leur effectif.
La possibilité matérielle de cibler les meilleurs talents en absolu stimule l’internationalisation des aires de recrutement. Néanmoins, les clubs les plus riches sont peu enclins à prendre des risques. Ils préfèrent le plus souvent recruter des joueurs ayant déjà fait leurs preuves dans les championnats les plus compétitifs, les quatre autres grandes ligues européennes, en particulier le Portugal et les Pays-Bas.
À un extrême, aucun membre de l’effectif d’Athletic Bilbao n’a été recruté à l’étranger. Sassuolo et Chievo focalisent également leur politique de transferts sur le territoire national. À l’opposé, 81% des joueurs de Fiorentina et Chelsea ont été importés. Dans le top 10 des clubs avec le recrutement le plus international, on trouve plusieurs équipes particulièrement riches comme Paris St-Germain, Manchester City et Real Madrid.
Rapport mensuel n°18 - Octobre 2016 - Stratégies de recrutement à travers l’Europe